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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

d’ordinaire en deux heures, une visite au général, un coup d’œil à mon bureau : voilà l’emploi de mon temps depuis que je vous ai quittés.

Vous rendre l’aspect de la campagne en avançant vers Paris, est impossible. La panique de nos côtés n’est rien en comparaison de ce que j’ai vu. Cette vieille route de Flandre, si large, ressemblait depuis Louvres à ce que seraient les boulevards si tous les Parisiens se donnaient le mot pour déménager le même jour. L’effet est d’autant plus étrange que tout le monde marche dans le même sens. C’est la fuite d’un peuple entier, un torrent que rien ne semble pouvoir arrêter ni tarir.

Il était plus de deux heures quand j’ai atteint Paris. Décidément les chemins de fer nous gâtent, nous en avions assez, mon cheval et moi de ces onze lieues sans débrider. La ville est calme. Je suis allé immédiatement et tout ruisselant me présenter au général. Il a su me persuader que mon arrivée lui faisait plaisir. « Je craignais que votre femme ne vous retînt, m’a-t-il dit ; — désirez-vous votre fils comme secrétaire ? » La tentation était forte, mais je me suis souvenu de nos résolutions et j’ai répondu simplement que Maurice me saurait mauvais gré de l’enlever à sa batterie.

Au reste, on a peu de temps en ce moment pour causer. À cinq heures, je ferai avec le général la tournée des remparts, j’espère y rencontrer notre