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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

d’autres enfants ; — elle ne doit pas avoir d’amis parmi ceux qui se trouvent… nos ennemis. »

L’homme a paru comprendre, et il a balbutié quelque chose à quoi maman a répondu : « Dieu veuille nous rendre ce temps-là ! » — et elle est revenue plus triste que je ne l’avais encore vue.

« Que c’est affreux la guerre ! répétait-elle ; travailler à s’empêcher d’aimer ! »

Il est remarquable de voir combien ces troupes allemandes, fussent-elles de la landwehr, sont exercées et tenues en haleine. Malgré la distance qui nous sépare de la ville, il faut que chaque jour chaque homme se trouve à tous les exercices, promenades et inspections. Trois fois par semaine il y a des exercices de tir, et ils doivent tirer chacun je ne sais quel nombre de coups, mais c’est deux fois autant que nos soldats.

Leurs officiers sont pour la plupart arrogants et exigeants, ils tiennent à montrer qu’ils méprisent les Français et ne perdent guère d’occasion de faire sentir qu’ils sont les maîtres. L’autre jour, ils avaient un repas de corps dans un hôtel, ils envoyèrent au maire un bon de réquisition pour cinquante bouteilles de champagne. — Réponse du maire qu’il est impossible de les fournir, les Prussiens ayant déjà bu tout ce que possédaient les marchands. — Second message des officiers annonçant que, si dans une heure les cinquante bouteilles n’étaient pas apportées, le feu