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Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/90

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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

nouvelles. Orléans est occupé, dit-on, occupé et non pris, mais on va certainement essayer de le reprendre et André sera probablement de ceux qui marcheront. Voilà donc où nous en sommes ! Conjectures et conjectures toujours !

Pas un mot d’aucun de vous ne m’est parvenu ; trente-six jours déjà d’un silence absolu, c’est un réel supplice et sur lequel je ne comptais pas. Je ne parviens pas encore à comprendre qu’il n’existe aucun point sur lequel un piéton puisse traverser les lignes de l’ennemi. Il y aura fort à apprendre au point de vue du métier dans cette guerre-ci.

En attendant, les ambulances se remplissent. Les engagements de Châtillon, de Bagneux, de la Malmaison, ce dernier surtout, ont peuplé le Palais de l’industrie, Chaptal, etc… Naturellement il y a eu de l’inexpérience dans plusieurs installations, mais le dévouement ne manque nulle part, et puis c’est tout plaisir de soigner nos soldats. Leur faculté d’endurer est quelque chose d’admirable. Avec cela, ils savent apprécier tout ce qui se fait pour eux et ont un talent naïf pour témoigner leur reconnaissance qui touche et qui navre en même temps leurs gardes-malades. On dirait, à voir leur surprise des soins qui les entourent, qu’ils n’avaient jamais espéré autant du cœur humain. Ton amie, madame H*** qui s’occupe activement de Chaptal, me disait : « Je rentre en moi-même en entendant nos hommes. Nous