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Le Marquis.

Que je vais payer cher ces instants pleins de charmes !
Mon bonheur est troublé par de justes alarmes ;
Et je suis près de voir le baron possesseur
D’un bien que sa poursuite enlève à mon ardeur :
J’ai frémi quand j’ai vu qu’il lisoit votre lettre.

Lucile.

Moi-même de ma peur j’ai peine à me remettre.

Le Marquis.

Elle est entre ses mains.

Lucile.

Elle est entre ses mains.N’en soyez point jaloux ;
Vous savez qu’elle n’est écrite que pour vous.

Le Marquis.

D’accord, mais pour vous plaire il redevient aimable ;
Ses grâces à mes yeux le rendent redoutable.

Lucile.

Quelque forme qu’il prenne, il n’avancera rien :
Je le verrai toujours, à l’examiner bien,
Comme un tyran caché, qui, sous un faux hommage,
Me prépare le joug du plus dur esclavage ;
À qui l’hymen rendra sa première hauteur,
Et qui me traitera comme il traite sa sœur.
À son sort, par ce nœud, je tremble d’être unie :
Je vais dans les horreurs traîner ma triste vie.
Si l’aveugle amitié que mon père a pour lui,
N’eût rendu ma démarche inutile aujourd’hui,
J’aurois déjà, j’aurois forcé mon caractère,
Et je serois tombée aux genoux de mon père :