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nières sont à l’égard du corps : il en fait la gentillesse et l’agrément ; et je le fais consister à dire de jolies choses sur des riens, à donner un tour brillant à la moindre bagatelle, un air de nouveauté aux choses les plus communes.

Le lord Craff.

Si c’est là avoir de l’esprit, nous n’en avons pas ici : nous nous piquons même de n’en pas avoir ; mais, si vous entendez par l’esprit le bon sens…

Le Marquis, l’interrompant.

Non, monsieur, je ne suis pas si sot de confondre l’esprit avec le bon sens. Le bon sens n’est autre chose que ce sens commun qui court les rues, et qui est de tous les pays. Mais l’esprit ne vient qu’en France : c’est, pour ainsi dire, son terroir, et nous en fournissons tous les autres peuples de l’Europe. L’esprit ne fait que voltiger sur les matières ; il n’en prend que la fleur. C’est lui qui fait un homme aimable, vif, léger, enjoué, amusant, les délices des sociétés, un beau parleur, un railleur agréable, et, pour tout dire, un Français. Le bon sens, au contraire, s’appesantit sur les matières, en croyant les approfondir ; il traite tout méthodiquement, ennuyeusement. C’est lui qui fait un homme lourd, pédant, mélancolique, taciturne, ennuyeux, le fléau des