Page:Boissy-Oeuvres de Théâtre de M. Boissy. Vol.2-1773.djvu/214

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LE BARON.

Oh ! pour le coup, Monsieur, votre pinceau nous flatte,
Et c’est un beau portrait que la vérité gâte.
Pour les Auteurs en France on a trop de mépris :
On l’étend sans nul choix sur les plus applaudis,
Eux qui mériteroient l’estime la plus haute.

MONTVAL.

S’ils y sont méprisés, c’est souvent par leur faute :
Ils font tout ce qui sert à les humilier ;
Le plus vil Artisan éleve son métier :
L’Auteur seul a la rage, ou plutôt la bassesse,
De rendre ridicule un talent qu’il professe ;
Et si sur le Théâtre il met un bel-esprit,
C’est pour le dégrader, jusque dans son habit,
Par mille traits usés, dont la redite assomme,
Qui font rire le sot, & rougir l’honnête homme.
À ternir ses rivaux appliquant ses efforts,
Il s’avilit lui-même, & flétrit tout le corps.

LE BARON.

Pour réhabiliter ce corps que je révere,
Je voudrois qu’on en fît un exemple sévere.

MONTVAL.

À ce noble courroux, qui trahit votre cœur,
Je juge qu’en secret, vous en êtes, Monsieur.

LE BARON.

Plût au Ciel qu’il fût vrai, comme je le desire !
Je ne sentirois pas l’horreur qui me déchire.
Mais j’en dis trop, Monsieur.

MONTVAL.

Mais j’en dis trop, Monsieur.J’en dévoile encor plus.
Je vois de votre mal le principe confus.

LE BARON.

Vous voyez le principe !

MONTVAL.

Vous voyez le principe !Oui, mon œil le démêle,
Et j’ai pris dans mon art une route nouvelle.
Je suis le Médecin du cœur & de l’esprit,