Page:Boiteau - Légendes pour les enfants (Hachette 1861).djvu/130

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en un taillis plein d’épines, ses courtisans en bêtes farouches, sa musique en hurlements de loups, ses viandes délicates en racines amères, son repos en perpétuelles inquiétudes, sa joie en larmes perpétuelles ? Qui eût pu entendre, sans en avoir le cœur brisé, toutes les plaintes qu’elle confiait aux échos de ce bois ? on eût dit que les arbres gémissaient avec elle, que les vents grondaient en courroux, et que tous les oiseaux avaient oublié leurs doux ramages pour pleurer son infortune.

Si les maux de cette pauvre princesse touchaient très-sensiblement son cœur, on ne saurait dire quels affreux tourments lui causaient ceux de son fils, surtout lorsque sa langue vint à se délier dans les premières plaintes de la douleur, et que ce petit innocent commença à sentir qu’il était malheureux. Geneviève le serrait quelquefois contre son sein pour réchauffer ses petits membres glacés, et puis, lorsqu’elle sentait que Bénoni se remuait, la pitié pressait si fort son cœur qu’elle en tirait mille sanglots, et que de ses yeux coulaient des larmes infinies. « Ah ! mon cher enfant, disait-elle, ah ! mon pauvre fils, mon ami, que tu commences de bonne heure à être misérable ! »

A voir l’enfant, on eût dit qu’il avait l’âge de la raison ; car, à ces tristes paroles, il poussait un cri si perçant que le cœur de Geneviève en demeurait sensiblement blessé.