Page:Boiteau - Légendes pour les enfants (Hachette 1861).djvu/336

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noyer, il ouvrit la bouche et attendit ; bientôt une douleur insurmontable lui fit oublier tout autre soin que le soin de sa vie, et il ressaisit le peu de forces qu’il possédait encore pour échapper à la mort. Fuyant le gouffre avec un effroi qui ressemblait à de la folie, il retrouva de la vigueur dans ses membres épuisés et il regagna le rivage avec plus de joie qu’il ne l’avait quitté.


XI.
Le Juif errant veut se faire mourir de faim.

Il ne lui restait plus, après l’expérience de sa propre lâcheté, qu’un dernier effort à faire ; il le fit en restant trois grandes journées sans prendre aucune nourriture. Appellerai-je des forces les secrètes vigueurs qui le mettaient en état d’obéir à l’ordre du Christ ? Toujours est-il que le peu de forces que n’avaient pas détruites tant de luttes semblait s’affaisser. Il allait toujours en avant malgré cela, et, chose merveilleuse, jamais il n’avait marché d’un pas plus rapide ; il évita Cyrène et les villes de son empire, et, dans ces trois journées de jeûne, il fit peut-être deux cents lieues de route. Dans les derniers moments, il ne marchait plus, il volait au milieu des solitudes. Ainsi l’affaiblissement même, la disparition de ses forces