Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/100

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lutions donc je m’appercevois ?… La crainte d’être injuſte, me porta à lui en ſuppoſer de plus flatteurs. Il ne me vint pas à l’eſprit que ma fortune y pût entrer pour quelque choſe : c’eſt une réflexion qu’on ne fait guere à dix-huit ans, quand on n’a pas été dans le cas de calculer ſur le plus ou le moins.

Je n’étois pas fâchée de trouver Murville innocent, de lui rendre mon eſtime ; mais je n’allois pas plus loin ; mon cœur ſe révoltoit toujours à l’idée de l’avoir pour mari. Madame de Rozane m’obſervoit, & ne me diſoit rien. J’interprétois ſon ſilence à mon avantage : c’étoit une erreur ; je ne devois l’attribuer qu’à ſa politique. Toute abſolue qu’elle étoit, elle ne vouloit point que mon mariage fût précédé d’un éclat, ni qu’on pût le regarder, de ſa part, comme un acte de violence. A demi vaincue par ſes ordres, du moins à ce qu’elle croyoit, les ſoins de Murville devoient achever le reſte : c’étoit le plan. Ces ſoins avoient des progrès ſi lents, ſi imperceptibles, que la Marquiſe s’en impatienta ; elle me tendit un piege, & me conduiſit au point de m’y jetter de moi-même. Appellée une ſeconde fois auprès d’elle, je friſſonnai de l’orage qui me menaçoit. Aſſeyez-vous, me dit-elle, en affectant de ſe poſſéder… Mademoiſelle, j’ai vu à regret combien vous mé-