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Madame de Rozane ; vous êtes l’objet de ſon choix ; c’eſt elle qui vous offre ſa main, daignerez-vous l’accepter, & mettre en oubli ſes inconſéquences précédentes ? Une très-profonde inclination fut toute ſa réponſe. Il mit un genou en terre, prit ma main, la baiſa, ſans que j’oſaſſe réſiſter, malgré l’envie que j’en avois.

Vous avez voulu, dit-il, me faire acheter le plaiſir de vous obtenir de vous-même ; je ne dois pas m’en plaindre : à quelque prix que vous euſſiez mis une telle grace, il auroit toujours été bien au deſſous de celui que j’y attache.

A mon tour, je remerciai du compliment, par une révérence muette, & l’on me permit de me retirer.

J’eſpérois que la ſolitude remettroit un peu de calme dans mon ame ; je me trompois. Mes peines devinrent plus âcres, quand je fus libre de les repaſſer en détail. Mais ce qui, ſur-tout, me tranſportoit de colere, ce qui me couvroit de confuſion, c’étoit la maniere dont Madame de Rozane avoit parlé à Murville. Employer la ſupplication pour l’engager de recevoir ma main, & de me pardonner ! quelle humiliation pour une fille qui connoiſſoit tous ſes avantages, & qui ſe ſavoit adorée d’un homme charmant !