Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/142

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mais je n’eus pas le courage de me dire : il a changé.

Perdre nos conquêtes eſt un accident dont nous ſavons, en général, que nous ſommes menacées ; nous avouer, en particulier, une perte de ce genre, eſt une humiliation à laquelle nous ne nous ſoumettons qu’avec la plus parfaite évidence.

Quelque choſe de plus fort que le dépit, me faiſoit ſupporter avec peine l’idée de celle que je craignois. Je me fis une occupation très-grave d’éclaircir mes doutes, de pénétrer dans un cœur, dont, en ſuppofant qu’il fût encore enflammé, je ne pouvois faire que le tourment, s’il ne faiſoit pas ma honte.

Il auroit fallu des principes pour être arrêtée par ces conſidérations : je n’en avois que ce qu’on a coutume d’en acquérir dans le grand monde. Toutes les femmes de ma connoiſſance ſe glorifioient de leurs eſclaves ; il n’en étoit pas une d’elles qui n’eût regardé l’hommage de Rozane comme un triomphe : c’étoit un nouvel encouragement pour le retenir dans ma chaîne, ou l’y rappeller s’il en étoit ſorti.

Je redoublai de ſoins, d’obſervations, & perdis mes peines. Souvent je croyois avoir fait une grande découverte ; l’inſtant d’après j’étois miſe en défaut. Quelle fatigue ! Elle prit ſur mon humeur… Le Baron m’en fit