Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/148

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agents… Enfin je me trouvois très-malheureuſe ; mais j’aurois été bien embarraſſée de définir les cauſes de mon malheur.

Comment ſortir d’un état auſſi pénible ? Je rêvai, je cherchai, & crus avoir fait un grand effort de jugement, en décidant qu’il me falloit un ami capable de remplacer Mademoiſelle d’Aulnai ; quelqu’un d’aſſez habile pour deviner ce qui ſe paſſoit dans mon cœur, d’aſſez indulgent pour y compatir. Où le rencontrer cet être ſecourable ? Le choix étoit délicat ! Rozane, avec toutes les qualités requiſes, ſe préſenta des premiers à mon eſprit. Je le repouſſai comme un téméraire qui ne devoit pas être écouté. Il revint… Puis encore… Puis toujours… Fatiguée de cette importunité, je m’arrêtai pour m’affermir, à ce qu’il me ſembloit, dans le deſſein de l’exclure, par l’examen des obſtacles qui s’élevoient entre nous. D’abord je les jugeai inſurmontables… A force d’y réfléchir, ils me parurent dégénérer en ſimples inconvénients… Finalement je n’en vis plus qu’un : c’étoit l’amour ; mais cet amour, ſur lequel je m’abuſois pour mon propre compte, étoit en queſtion pour celui de Rozane. L’intérêt du moment exigeoit que je la décidaſſe : elle le fut. La néceſſité de faire les avances ne m’arrêta pas davantage ; je me juſtifiai tout au nom de l’ami-