Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/147

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mes ſentiments. Je retournois continuellement par les mêmes routes, & n’en appercevois point l’iſſue…

L’amour s’établiſſoit au fond de mon cœur : je ne voulois pas l’y voir, pour n’être pas obligée de l’en chaſſer… Souvent je tâchois de me perſuader que j’aimois toujours le Baron ; bientôt après je m’en donnois le démenti, & j’en étois affligée. Ce n’étoit pas pour mes devoirs, mais pour mon repos, que cette découverte m’alarmoit… Je m’avouois à demi, qu’un mot du Comte me rendroit ma tranquillité ; ce mot ne venant point, je me tourmentois, & par contre-coup, tout ce qui m’étoit aſſujetti.

Je voyois mon mari ſi rarement, en particulier, que l’influence de mes caprices ne pouvoit guere s’étendre juſqu’à lui ; c’étoit une ſurcharge pour le reſte.

On ne répand point impunément l’amertume ſur la vie des autres… Je ne fus pas long-temps ſans éprouver le contre-coup de ce que ma mauvaiſe humeur faiſoit ſouffrir… Il me paroiſſoit affreux de ne voir autour de moi que des viſages mécontents : je leur en voulois autant de mal que ſi j’avois agi de maniere à les rendre fort gais. Rongée de vapeurs noires, je me forgeois des tortures, dont mes paſſions étoient les ſeuls