Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 44 )

une conduite auſſi bizarre, auſſi problématique que la ſienne ?… On pouvoit y ſoupçonner de l’amour, du dépit, de la jalouſie ; ce principe étoit flatteur : il me parut le ſeul vraiſemblable.

De retour à Paris, on nous confirma ce qu’on nous avoit écrit ſur Mademoiſelle d’Aulnai : mourante, affaiſſée, elle ne ſe diſpenſoit pas encore des regles auſteres de ſon Couvent ; mais elle avoit fait un divorce entier avec le dehors, & n’alloit plus au Parloir pour qui que ce pût être.

Vous n’aurez bientôt plus de ſœur, me dit la Comteſſe de Saintal. Chaque inſtant ajoute au mal dont elle eſt conſumée. Elle n’offre à préſent que l’image d’un cadavre, qui déchire le cœur de tous ceux qui la voient. Seule, elle regarde tranquillement les approches de ſa fin, & ſemble même l’accélérer par la vivacité de ſes deſirs.

Quoi qu’en pût dire la Comteſſe, elle ne me perſuada point que ma ſœur vît, avec tant de plaiſir, la mort prête à la frapper. Quoi, ſi jeune ! m’écriai-je, à dix-neuf ans ! Madame, eſt-il poſſible qu’elle ſoit ſans reſſource ? Il n’en eſt plus, répondit-elle. C’eſt un ſang brûlé, une poitrine perdue ; le Ciel pourroit ſeul la tirer de là ; & nous ne devons pas eſpérer un miracle.

Ma mere qui ne ſe mettoit pas à portée