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de juger, par ſes yeux, l’état des choſes, à qui les Médecins pallioient un peu la vérité ; ma mere, dis-je, perſiſtoit à croire que la langueur de Mademoiſelle d’Aulnai étoit purement accidentelle, & qu’on ne finiſſoit pas de cette maniere à ſon âge. Elle brûloit de retourner à la campagne, parce que la ville étoit aſſez déſerte ; je mourois de peur qu’elle ne ſe décidât, parce que des affaires retiendroient Meſſieurs de Rozane à Paris.

Tous les jours ma paſſion pour le Comte acquéroit des accroiſſements. Je n’oſois plus l’attaquer ouvertement, mais je n’omettois aucune de ces petites fineſſes dont nous ſavons faire uſage pour attirer un cœur qui ſe dérobe à notre pourſuite. Je me trouvois à point nommé dans les lieux où j’eſpérois de le rencontrer ; je ne reſpirois que là, & j’étois encore d’aſſez mauvaiſe foi avec moi-même, pour attribuer tout au beſoin d’avoir un ami.

Il s’étoit écoulé près d’un mois, ſans que ma ſœur eût éprouvé un changement ſenſible. Ma mere ſe fortifioit dans l’opinion qu’elle en avoit toujours eue. Je commençois à croire que Madame de Saintal m’avoit trop alarmée, quand la cataſtrophe juſtifia ce qu’elle avoit avancé.

Au milieu de l’après-dînée, un projet