Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/162

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Etes-vous ſatisfaite de m’avoir expoſée à cette effroyable ſcene ? me demanda-t-elle enfin… Un inſtinct ſecret ſoulevoit mon cœur… Il falloit en croire ſes avertiſſements… Il ne vous a pas plu que je les écoutaſſe… Vous m’avez mis dans la néceſſité de condeſcendre à cette démarche, ou de me donner un travers odieux… Que d’horreurs ! eh, c’eſt vous, c’eſt votre précipitation !… Non, je ne l’oublierai jamais.

L’humeur de la Marquiſe m’étoit aſſez connue, pour que je duſſe m’attendre à des éclats ; mais je n’avois pas deviné que j’en ſerois le premier, le principal objet. Mon ame puiſſamment ébranlée par ce qui avoit précédé, ne ſe trouvoit plus aſſez de force pour réſiſter à cette attaque. Auſſi confuſe, auſſi troublée que ſi j’avois été la cauſe premiere des outrages que ma mere avoit reçus, je me jettai à ſes pieds, demandant pardon pour ma ſœur, pour moi-même… J’ajoutai des careſſes, des proteſtations d’attachement, de tendreſſe, de ſoumiſſion… Rien n’eut ſon effet… Elle étoit dans un déſordre qui lui permettoit à peine de m’écouter. Taiſez-vous, me dit-elle, & laiſſez-moi… Je veux être ſeule. Cet ordre, prononcé & répété d’un ton qui ne ſouffroit pas de replique, me réduiſit à la plus prompte obéiſſance… Je ſortis. Ma mere