Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/17

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cherent, à la faveur d’une charmille, & ſe placerent de façon qu’aucune de nos paroles, aucune de nos actions ne pouvoit leur échapper. Madame de Tournemont frémit, en appercevant ſon livre dans nos mains, & les pernicieux effets qu’il avoit produits ſur nous… Jugeant ſa préſence abſolument néceſſaire, elle parut, & Murville eut l’indiſcrétion de ſe montrer avec elle.

La vue d’un ſpectre m’auroit inſpiré moins de terreur que celle de ma mere… Je voulus me lever, le tremblement de mes jambes me fit retomber ſur mon ſiege.

Rozane, preſqu’auſſi troublé que moi, s’étoit éloigné de quelques pas, en ſe tournant à demi, pour cacher une partie de ſa confuſion.

Vous êtes une jolie perſonne ! dit ma mere. Venez, Mademoiſelle, venez apprendre comment on traite une petite fille qui oſe s’émanciper. Je m’étois relevée en m’appuyant contre un arbre ; mais, les yeux fixés ſur la terre, je reſtois immobile comme un criminel devant ſon Juge. Rozane, qui s’étoit un peu remis, entreprit de me défendre. On lui impoſa fiérement ſilence, & le Chevalier lui lança quelques épigrammes qui le firent changer de couleur : il ouvrit la bouche, la referma, mordit ſes levres… Toute ſa phyſionomie annonçoit le deſir de