Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/16

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dont elle étoit remplie, nous firent rougir comme de concert. Emus, agités, nous continuâmes, mais ſans oſer nous parler, ni même nous regarder.

Plus vive, moins circonſpecte, & ſans doute plus ignorante à bien des égards, je bazardai une queſtion dont je ne connoiſſois pas la force. Rozane, mieux inſtruit, baiſſa les yeux, répondit d’une maniere embarraſſée, peu ſatisfaiſante ; cependant je n’inſiſtai pas… A ſon tour le Comte m’en adreſſa une, dont je me tirai tout auſſi mal… Muets, interdits, nous prîmes & abandonnâmes pluſieurs ſois le livre… L’intervalle que nous avions d’abord mis entre nous, avoit peu à peu diſparu… Rozane, un bras paſſe autour de mon corps, me ſerroit machinalement… L’abyme s’ouvroit ſous nos pieds, lorſqu’une ſubite apparition vint nous garantir de la chûte.

Ma mere s’étant plaint, dès avant le dîner, d’un grand mal de tête, ſe diſpenſa de jouer, & deſcendit au jardin avec le Chevalier de Murville, le plus aſſidu de ſes admirateurs.

J’ignore combien avoit duré leur promenade, quand ils tournerent leurs pas vers le boſquet où nous étions. Etonnés d’entendre des voix dans un endroit & à une heure où ils avoient lieu de ſe croire ſeuls, ils appro-