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me. Le ſentiment neuf dont j’étois animée, mettoit, dans mon humeur, un liant, une douceur, une aménité, que mes chagrins précédents m’avoient, juſques là, rendu impraticables.

„ Deux jours après, Murville vint me voir, en ſuppoſant un ordre de ma mere. Notre entretien fut tel qu’il le devoit être entre deux perſonnes dont les ames cherchoient à ſe communiquer. Il me dit qu’il m’aimoit, je le crus ; eh ! qui ne l’auroit pas cru de même, à la maniere dont il le diſoit ?

„ Perſuadée de ſon amour, je ne lui fis pas attendre l’aveu du mien. Ignorante ſur les décences d’uſage, plus encore ſur la perfidie des hommes, j’aurois regardé tout délai, toute réticence, comme une injure faite à ce que j’aimois… J’étois heureuſe de mon propre bonheur, & de celui que je me flattois de procurer. Malgré cet enchantement d’une paſſion naiſſante, je fis obſerver à Murville, que l’expédient dont il s’étoit ſervi ne pouvoit pas ſe réitérer. Il penſa de même ; rêva quelques minutes ; me demanda où j’étois logée… Je lui décrivis la poſition de ma chambre, ſes entours… Il peſa tout, & ne s’expliqua ſur rien.

„ J’appercevois dans ſes queſtions, même