Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/170

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l’avoir vu chez mon pere : mais en enfant, ſur qui le plus ſéduiſant des hommes ne fait qu’une légere impreſſion ; j’en aurois totalement perdu le ſouvenir, ſi vous ne me l’aviez rappellé, quelquefois… Qu’il me parut différent du portrait que vous m’en aviez fait, & que j’avois adopté ! Si la préſence de Madame de Rozane m’interdit, celle de Murville me jetta dans un trouble qui m’étoit inconnu. Je baiſſai les yeux, en rougiſſant… Je ne les relevai qu’avec beaucoup d’embarras & de timidité. Cherchant ſans ceſſe à les occuper ailleurs, ils revenoient involontairement ſur ceux du Chevalier, où je croyois voir briller l’aurore de cette félicité à laquelle j’aſpirois. Les louanges fines qu’il me prodigua, ſon ton, ſon air, les grâces de ſon eſprit acheverent d’égarer ma raiſon… Pourquoi la mort ne me frappa-t-elle pas dans cet inſtant, plutôt que de reſter en proie aux tourments qui dévoient en être la ſuite !

„ Les propos de Murville déplurent à Madame de Rozane : elle en termina plus promptement ſa viſite ; mais le trait avoit porté. Je ſortis du parloir avec un nouvel être… Tout ſembloit embelli pour moi ; je ſemblois embellie moi-mê-