Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/20

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ment à l’imiter ?… Que vous dirai-je ? tout fut appellé au tribunal de la vanité outragée, & jugé par la malignité.

Murville étoit néceſſairement impliqué dans ce procès : je le haïſſois depuis long-temps, parce qu’il ne m’avoit jamais honoré de ſon attention, que pour flatter ma mere à mon préjudice. Ce Murville, qui a fait un ſi grand rôle dans mon hiſtoire, étoit d’une nobleſſe plus ancienne qu’illuſtrée : ſon titre de cadet le mettoit aſſez mal avec la fortune. C’étoit un de ces hommes à la mode, pour qui la nature ſembloit avoir été prodigue d’agréments, & fort économe de vertus. Une taille aiſée, une phyſionomie noble & fine, beaucoup d’eſprit, peu de ſentiment, quoiqu’il le jouât ſupérieurement bien ; des goûts extrêmement vifs, une plaiſanterie légere, une converſation brillante ; ſes airs tantôt polis & ſéduiſants, tantôt importants & déciſifs, étoient toujours ceux d’un grand Seigneur : je le peins tel que je l’ai vu depuis ; car alors je ne le trouvois qu’odieux. Tout cela tournoit au profit de Rozane : mon cœur s’élançoit vers lui, comme vers le ſeul être que je croyois diſpoſé à partager mes peines. Je les adouciſſois en me promettant de les lui communiquer, ainſi que mes obſervations critiques… Les romans que j’avois lus, me fourniſſoient mille