Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/21

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petites ſupercheries, dont je pouvois faire uſage pour lui parler en liberté ; mais ces jolis édifices s’écroulerent le lendemain, quand je ſus que Rozane & ſon pere venoient de retourner à Paris. Je n’avois pas encore aſſez de fineſſe pour diſſimuler mon chagrin… Mes pleurs coulerent ; ma mere en gronda plus ſort ; Murville en rit ; chacun tira ſur moi ; la ſeule Comteſſe de Saintal en eut pitié : elle ſentit le danger d’aigrir un caractere impétueux, & de fortifier des paſſions naiſſantes par une contradiction directe.

Cette Comteſſe étoit veuve d’un diſſipateur, avec lequel elle avoit été malheureuſe, & dont elle reſpectoit la mémoire par ſon ſilence : elle vivoit à la campagne, pour ſe ménager le moyen de ſoutenir honorablement au ſervice, un fils qui lui reſtoit de ſon mariage. Son amitié pour mon pere, & le voiſinage de la campagne l’engageoient à venir paſſer quelques jours chez lui de temps à autre. Sa prudence, ſa raiſon, ſa compatiſſante bonté me rendirent le calme… Je connus des ſentiments, des idées nouvelles ; … je goûtai même le charme de la confiance, ſi peu fait pour un enfant, mais dont Madame de Saintal avoit l’art de me rendre ſuſceptible.

Nous aimons tant les perſonnes qui ne