Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/202

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„ Cette ſituation approchoit trop du calme : elle ne pouvoit pas durer. Mon courage avoit déjà reçu de fortes ſecouſſes, lorſque le Comte de Rozane revint à Paris. Le commerce de confiance qui s’établit entre nous, détruiſit bientôt la mauvaiſe opinion que j’avois des hommes : & ce qui paroîtroit incroyable à ceux qui n’auroient aimé que mediocrement, c’eſt que l’amour fut aſſez adroit pour me juſtifier Murville même. Ainſi je me trouvai, en peu de temps, plus paſſionnée, plus malheureuſe que je l’euſſe jamais été.

„ Le Comte me ſollicitoit, avec amitié, de renoncer à mon projet ; il m’en repréſentoit les ſuites terribles, les conſéquences irréparables. Je réſiſtai juſqu’aux approches de mes vœux ; alors mon ame s’étonna ; je meſurai, d’un œil effrayé, la profondeur de l’abyme dans lequel j’allois me plonger. Rozane voulut profiter de ces mouvements d’effroi pour ébranler ma confiance… Nous diſcutâmes… J’héſitai… L’amour déſeſpéré ſe fit entendre, & mon ſort fut décidé.

„ Malgré ſon arrêt, je laiſſai preſſentir ma mere ſur mon changement ; c’étoit une derniere épreuve que je voulois faire