Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/30

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d’Aulnai avoit trop d’eſprit pour prendre le change ſur la véritable cauſe de cette nouveauté : elle n’y vit de ma part qu’une foibleſſe qui l’irrita, & la fortifia contre mes attaques. Ses regards évitoient les miens avec affectation ; toutes mes paroles tomboient, ſans qu’elle daignât les relever : un froid glaçant me repouſſoit lorſque je voulois m’approcher ; & pour comble d’embarras, une timidité exceſſive avoit ſuccédé aux airs impérieux que j’avois toujours eus. J’étois ſi contrainte, ſi gauche dans mon nouveau perſonnage, que je l’aurois infailliblement abandonné, ſi Madame de Saintal n’étoit venue à mon ſecours par une entremiſe directe.

Admiſes chez elle deux fois la ſemaine, avec pluſieurs de nos compagnes, elle nous portoit, même par ſon exemple, à cette familiarité qu’inſpire naturellement le plaiſir. Ma ſœur qui l’aimoit & s’y livroit toute entière, écartoit alors les nuages dont ſon front étoit ordinairement chargé, & paroiſſoit ne me pas trouver de trop dans la ſociété.

Sa fête arriva : je la fis célébrer pour la première fois ; c’étoit un objet d’amuſement : elle s’y prêta d’aſſez bonne grace ; mais elle ne reçut qu’avec une peine infinie mille jolies bagatelles qui l’auroient enchantée venant d’une autre main.