Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/31

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J’avois toujours, & très-abondamment, de quoi me procurer les fantaiſies, les ſuperfluités qui plaiſent à la jeuneſſe ; ma ſœur, au contraire, étoit dans une diſette abſolue depuis la mort de M. de Tournemont. Par le conſeil de Madame de Saintal, j’offris de faire bourſe commune… Un refus ſec ne me rebuta point ; je revins à la charge, j’employai la médiation de nos amies… On fit entendre à Mademoiſelle d’Aulnai que ma propoſition n’alloit point à l’humilier, puiſqu’il ne s’agiſſoit que de partager un bien auquel nous avions des droits égaux. Cette tournure la mit à l’aiſe, elle accepta ; mais ce fut pour me rendre plus de préſents que je ne lui en avoit faits.

Loin d’être mortifiée par la hauteur de ce procédé, il me charma ; je le regardai comme une preuve d’affection, & Madame de Saintal entretint mon erreur ſans la partager.

Cette action lui fit juger que nous ne pouvions réuſſir auprès de ma ſœur, qu’en intéreſſant ſon petit orgueil… En conſéquence elle parut ſi fort admirer ce qu’elle avoit fait à mon égard, lui répéta tant de fois qu’en me pardonnant elle ſe mettoit au-deſſus de moi, la peignit à ſes propres yeux avec des pinceaux ſi flatteurs, qu’enfin elle lui inſpira le deſir de reſſembler à ce por-