Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/35

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rompit Mademoifelle d’Aulnai ; pour moi qui n’ai jamais eu lieu de m’en former d’agréables, peu m’importe que Madame de Tournemont s’occupe d’elle-même, qu’elle reſte veuve, ou qu’elle prenne un ſecond mari. Mais, dis-je, comptez-vous pour rien le déſagrément d’avoir un beau-pere ? Que m’importe ſon titre, repliqua-t-elle : s’il eſt bon, honnête, il pourra me faire du bien ; s’il ne l’eſt pas… je riſque peu de choſe. Elle ſe tut, & ſe mit à rêver. J’avois les yeux attachés ſur elle… ſon flegme m’en impoſoit : c’étoit, dans mon opinion, un phénomene inexplicable… Elle reprit la parole pour me demander ſi je connoiſſois le beau-pere que Madame de Tournemont alloit nous donner ? C’eſt le Marquis de Rozane, répondis-je. Le Marquis de Rozane ! s’écria-t-elle, je vous en fais mon compliment : ſon mariage avec ma mere ſera probablement ſuivi du vôtre avec ſon fils, dont vous avez été le premier amour. De l’amour, répétois-je ; en vérité c’eſt trop dire ; nous étions ſi jeunes, que cela n’avoit preſque pas de nom ; & depuis trois ans que nous ne nous ſommes vus, il m’aura ſûrement oubliée. — Vous l’en ferez reſſouvenir ; l’âge doit avoir perfectionné en vous le talent d’émouvoir ſon cœur.

Cette épigramme me fit rougir : ne ſa-