Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/43

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avec toute la charge qu’elle pouvoit recevoir du dépit… Il falloit retourner ſur mes pas… Il falloit faire des avances… N’importe, j’eus l’art de leur trouver des excuſes, de les couvrir même du nom de l’amitié ; mais je n’eus pas celui de leur ôter l’apparence des franches agaceries de l’amour.

Les diſpoſitions de Rozane ne m’étoient pas auſſi contraires que Marcelle l’avoit imaginé : je lui paroiſſois tout auſſi jolie qu’au reſte du monde ; mais la crainte de ſe compromettre avec la Marquiſe, le tenoit continuellement en garde contre lui & contre moi. La même crainte lui fit redoubler ſes précautions, quand il s’apperçut que je le recherchois. Inattentif par ſyſtême, il ne voyoit, n’entendoit rien ; … mes attaques ſembloient porter contre un roc impénétrable.

J’étois ſi peu faite pour qu’on m’opposât une pareille réſiſtance, que ſans vouloir l’attribuer à tels ou tels motifs, je conclus que Rozane avoit une inſenſibilité naturelle qui ne pouvoit être détruite. Cette concluſion ſauvoit l’honneur de ma beauté ; mais je jouis peu de ce foible dédommagement : il m’étoit réſervé d’être le témoin du triomphe qu’une autre devoit remporter.

Quoique ma mère exigeât que je vécuſſe dans la ſolitude, il étoit des plaiſirs de mon