Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/42

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Je tombai des nues en reconnoiſſant que ce dont j’avois fait la baſe de mes eſpérances, étoit préciſément ce qui devoit les renverſer. Rozane, dis-je, eſt bien injuſte de me rendre comptable des mortifications qu’il éprouve, & bien inconſéquent de s’y prendre auſſi mal pour réparer le dommage qu’on peut faire à ſa fortune : car enfin j’en ai… plus qu’il n’en ſauroit perdre, & s’il avoit voulu… Je doute, interrompit Marcelle, que penſant comme il fait, cette raiſon fût ſuffiſante pour le déterminer à devenir le gendre de Madame la Marquiſe, & je doute encore plus qu’elle y conſentît, quand il le deſireroit. — Mais pourquoi ? quel obſtacle ? — Je vous l’ai dit : ils ne s’aiment point ; l’aventure du boſquet a commencé ; le titre de belle-mere a fait le reſte. Elle eſt trop haute & lui trop fier, pour qu’ils puiſſent jamais être d’accord.

Quelque peu favorables que fuſſent ces lumieres, je les préférai aux ténebres d’où je ſortois. Après tout, ce n’étoit pas moi perſonnellement, c’étoit la fille de Madame de Rozane que le Comte fuyoit… Il ne s’agiſſoit que de lui prouver la différence de nos ſentiments, pour qu’il ne nous confondît plus dans une même cauſe. Mais cette preuve étoit embarraſſante… Bleſſée de ſa froideur, je l’avois jouée à mon tour