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près de Mademoiſelle de Villeprez. Le reſte de la compagnie étoit au jeu.

Rozane parloit avec tant de feu, & d’application, qu’on nous avoit déjà préſenté des ſieges, avant qu’il eut quitté le ſien…

Il faut avoir vu un homme amoureux, pour juger à quel point il peut être aimable. La froideur ordinaire du Comte ne me le montroit que ſous un aſpect médiocrement avantageux ; ſa converſation avec Mademoiſelle de Villeprez le faiſoit briller de mille agréments, dont juſques-là je ne m’étois pas doutée… Il étoit charmant. Frappée du nouvel être que l’amour ſembloit lui communiquer, je reſtai un moment interdite : & ce moment développa la paſſion qui fermentoit dans mon cœur… J’approchai ; Rozane s’éloigna, & diſparut bientôt après. Son départ me rendit, non le calme, mais une contenance plus aſſurée. Je fis même des réflexions ; l’amour, la jalouſie les dirigerent, & je me trouvai capable de les faire valoir ſur le champ.

J’ai dit que j’avois toujours eu de l’oppoſition pour Mademoiſelle de Villeprez : à titre de rivale, elle m’étoit odieuſe : ce fut préciſément ce qui me détermina à lui montrer le plus grand deſir de me lier avec elle. Par-là, je comptois troubler ſes plaiſirs,