Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/47

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rompre ſes entretiens avec le Comte, l’accoutumer à me voir plus familiérement, & l’enlever enſuite, ſi la choſe étoit poſſible.

Mademoiſelle de Villeprez, qui n’avoit pas les vues très-longues, répondit à mes avances. La liaiſon ſe rangea ; nos meres y conſentirent ; nous devînmes inſéparables.

Quel conte ! dira-t-on. Comment une fille de dix-ſept ans, vive, & franche, pouvoit-elle être tout-à-coup parvenue au degré de diſſimulation néceſſaire, pour former ainſi ſa partie ? Le voilà… Si l’amour compléta la métamorphoſe, elle étoit plus qu’ébauchée, par la contrainte perpétuelle où Madame de Rozane réduiſoit mon caractère.

Mes ſuccès, au ſortir du Couvent, l’avoient fâchée… N’importe par quelle raiſon, elle en avoit employé de bonnes pour impoſer ſilence aux louangeurs. Ce n’étoit pas aſſez : il falloit leur ôter juſqu’à l’envie de parler, en retranchant ce qui pouvoit la faire naître. La nature avoit mis hors d’atteinte ma taille & mon viſage ; mais mon eſprit, mes graces, mon enjouement, cent petits riens qui parent la jeuneſſe & plaiſent plus que la beauté, furent perſécutés à outrance… Ma gaieté s’évanouit, ma vivacité ſe concentra ; j’étudiai mes paroles, je compoſai mon extérieur ; & ma diſſimulation avec Mademoiſelle de Villeprez ne fut