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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/66

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le ſoupçonnoit point, d’après le procédé de Madame de Rozane. Me le demander, auroit peut-être été une indiſcrétion ; cependant il étoit eſſentiel qu’elle le ſût, pour diriger ſa conduite avec moi.

Marcelle, qu’on attendoit ce jour même, devoit être inſtruite de bien des choſes ; la Comtefſſe eſpéra d’en tirer les lumieres dont elle avoit beſoin, & ne ſe trompa pas. Les domeſtiques ſont tout yeux, tout langue & tout oreille pour découvrir les ſecrets de leurs maîtres. En moins de vingt-quatre heures, ma femme-de-chambre étoit parvenue à connoître, dans le plus grand détail, les cauſes de ma diſgrace.

Madame de Saintal nous quitta pour être plus à portée de l’interroger avant que je la viſſe. Elle apprit d’elle que Madame de Villeprez avoit invité ma mere, le matin précédent, à un entretien particulier, dans lequel j’avois été miſe en pieces ; qu’après un étalage d’amitié, de zele, de délicateſſe, cette femme m’avoit accuſée d’avoir fait au Comte des avances ſi fortes, qu’il s’étoit vu dans la néceſſité d’y répondre, quoique ſon goût parût le porter ailleurs ; qu’avec autant de jeuneſſe & de vivacité, il étoit à craindre que je ne conduiſiſſe une paſſion aſſez loin pour gêner la Marquiſe dans le choix du mari qu’elle voudroit me donner… Sa fille,