Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/69

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de m’écouter, dit-il, loin de ſe laiſſer fléchir, elle a exigé que j’éloignaſſe mon fils ; & je me ſuis vu forcé de le conduire à l’hôtel des Mouſquetaires, où il eſt dangereuſement malade. Seroit-ce de chagrin ? demanda la Comteſſe. Oui, aſſurément, répondit M. de Rozane… Ce jeune homme m’alarme ; il a les paſſions ardentes & renfermées… Frappé ſucceſſivement dans ce qu’il aime, & dans lui-même, pas une plainte, pas une larme, pas un ſigne de douleur ne lui eſt échappé ; mais une fievre inflammatoire l’a ſaiſi dans les vingt-quatre heures. Il s’eſt refuſé aux remèdes, juſqu’à ce que mes ordres abſolus l’aient obligé de s’y ſoumettre, & ce ne ſera peut-être pour lui qu’un tourment de plus : ſa profonde triſteſſe en empêche l’effet… J’en ſuis dans une mortelle inquiétude… Si j’avois le malheur de le perdre, en vérité, je ne me pardonnerois pas de lui avoir donné une belle-mere, & ſur-tout de l’avoir expoſé à la vue continuelle d’une perſonne charmante, ſans être ſûr qu’il pouvoit l’aimer impunément.

En écoutant le Marquis, Madame de Saintal délibéroit ſur ce qu’elle avoit à lui révéler. Elle craignoit de m’attirer ſa haine, en rendant les faits tels qu’elle les avoit reçus… Une demi-confidence étoit un petit moyen, qui pouvoit laiſſer bien des obſcu-