Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/83

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n’avez voulu lui en faire aucun ; il eſt parti outré de douleur : c’eſt ce que je n’ai pas beſoin de répéter, puiſque vous le ſavez très-bien. Au moins, repris-je, vous devez me plaindre de l’avoir ſi cruellement affligé. — Qui vous y forçoit ? — La raiſon, la prudence. — Dites mieux : convenez que votre amour n’étoit pas aſſez fort pour cet acte de courage… La bouche n’héſite pas à prononcer un tel ſerment, quand il eſt écrit dans le cœur. — Ainſi vous me blâmez de ne m’être point engagée ? — Vous blâmer ? au contraire, je vous loue d’avoir ſu vous rendre juſtice. Une ame foible doit s’abandonner aux événements, & ne pas hazarder ce qu’elle ſeroit incapable de ſoutenir.

Ma ſœur, lui dis-je, un peu piquée, on raiſonne bien lorſqu’on eſt loin du combat ; mais chacun, à ſon tour, peut rencontrer l’écueil de ſa prétendue fermeté… Je vous attends aux contradictions de ma mere ſur le choix d’un mari. Si j’aime, répondit-elle, ſi j’ai le bonheur d’être aimée, elles me trouveront inébranlable… Je vous l’ai déjà dit. — Je n’en ai rien cru : je n’en crois rien encore. — Vous avez tort ; il ne faut pas me juger d’après vous. La différence de notre éducation en a mis néceſſairement dans notre façon de penſer & de ſentir. Elevée