Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/84

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entre les bras de ceux à qui vous deviez la vie, les premiers ſentiments de votre cœur ont été la tendreſſe & la ſoumiſſion : vous vous êtes accoutumée à chérir, à reſpecter un empire qui faiſoit votre douceur & votre sûreté. Les choſes ont changé : le joug s’eſt appeſanti ; mais les chaînes de l’habitude étoient formées ; il ne vous eſt pas reſté une volonté ſuffiſante pour eſſayer de les étendre. Mais moi, toujours haïe, toujours rejettée de ma mere, j’en ai gémi long-temps, ſans me permettre le murmure… Quand la raiſon eſt venue m’éclairer, j’ai calculé mes droits ; j’en ai poſé les bornes à la faveur de ſa lumiere : ſi c’eſt un attentat contre l’autorité maternelle, qu’on s’en prenne à Madame de Rozane même ; en ne me montrant mes devoirs que par ce qu’ils peuvent avoir d’âpre & de rebutant, elle m’a contraint de régler, d’établir, à mon propre tribunal, les prétentions de ma liberté… J’écoutois Mademoiſelle d’Aulnai avec un étonnement mêlé d’admiration, quand le ſon d’une cloche m’avertit que j’étois attendue au Parloir… C’étoit ma mere, que je n’avois point vue depuis qu’elle m’avoit ramenée au Couvent : j’en reculai de ſurpriſe & d’effroi. Elle me reçoit fort agréablement, dit-elle à la Supérieure qui m’avoit précédée ; je le lui pardonne, il eſt