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chacune des diſſipations qu’on me prodiguoit, j’étois étourdie du fracas qui ſe faiſoit autour de moi.

Ma mere ne détournoit plus l’encens qui m’étoit adreſſé. J’eus bientôt une cour, des adorateurs, & le Chevalier de Murville fut un des premiers à me rendre des ſoins. La maniere dont je les accueillis auroit dû le rebuter, s’il avoit pu l’être par la froideur la plus décidée ; mais il tint ferme, ſe laiſſa dédaigner ſans que ſa liberté d’eſprit & ſon enjouement en reçuſſent la plus légere atteinte.

Née vive & gaie, tout ce qui me ramenoit à mon naturel ne pouvoit pas me déplaire long-temps ; le Chevalier étoit plus propre à y réuſſir que qui que ce fût : varié, ſaillant, ingénieux dans ſes tournures, il commença par m’occuper, par m’amuſer… De l’amuſement je paſſai à l’approbation, & bientôt à l’ennui de ſes abſences.

De ſemblables diſtractions ne prenoient rien ſur mon cœur ; Rozane l’occupoit tout entier : je laiſſai même échapper des larmes de douleur, d’attendriſſement, en revoyant ſon pere, quoique j’euſſe la Marquiſe pour témoin & pour cenſeur.

Dès que je pus l’entretenir en particulier, je m’informai des nouvelles de ſon fils, dont on avoit affecté de ne pas profé-