Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/86

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c’eſt l’Hôtel de Rozane que je dois le plus redouter : je n’y verrai point le Comte ; j’y ſerai perſécutée pour quelqu’autre… Qui ſait ſi ma mere n’a pas déjà ſes vues ?… Ah Dieu ! j’en frémis… Comment lui reſiſter ? moi, qu’elle intimide d’un coup d’œil ? Encore ſi je vous avois pour me ſeconder ; ſi l’on nous retiroit enſemble du Couvent. L’eſpérance ſeroit chimérique, repliquat-elle, je ne ſortirai d’ici que pour prendre un autre nom ; & Madame de Rozane me ſert à ſouhait, en me faiſant attendre cet événement dans la ſolitude. Huit ou dix jours après, je quittai la mienne avec regret. Quels déſagréments ! quel vuide je vais éprouver ! me diſois-je. Le Marquis ſeul aura pitié de moi : il eſt pere de mon amant… Je pleurerai quelquefois avec lui… J’aurai du moins la conſolation d’en être plainte. C’étoit bien imaginé ; mais j’appris, en arrivant à l’Hôtel, que M. de Rozane étoit à la campagne, où il ſe propoſoit de reſter quelque temps.

En proie à mon imagination, le cœur déchiré par tout ce qui s’offroit à mes regards, je me croyois prête à tomber dans le dernier accablement, quand la ſcene changea tout-à-coup. Jettée à travers le grand monde ; produite aux ſpectacles, aux viſites, aux promenades ; poſant à peine ſur