Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parti, et on relâcha à cet effet les ressorts de la justice criminelle ; chacun fut obligé de pourvoir de soi-même à sa sûreté ; de là est né le droit de vendetta.

L’homme dans l’état de nature ne connut d’autre loi que son intérêt. Pourvoir à son existence, détruire ses ennemis fut son occupation journalière. Mais lorsqu’il fut réuni en société, ses sentiments s’agrandirent ; son âme, dégagée des entraves de l’égoïsme prit son essor, l’amour de la patrie naquit, et les Curtius, les Décius, les Brutus, les Dion, les Caton, les Léonidas, vinrent émerveiller le monde. Des magistrats assurèrent à chacun la conservation de sa propriété et de sa vie ; le but des actions individuelles dut être le bonheur général de l’association, et personne ne dut plus agir par le sentiment de son propre intérêt. Les rois régnèrent ; avec eux régna le despotisme ; l’homme méprisé n’eut plus de volonté ! Avili, il fut à peine l’ombre de l’homme libre. Les rois, qui tinrent dans leurs mains la force publique, durent l’employer pour assurer à chacun sa vie et sa propriété.

La confédération changea, s’altéra même, si l’on veut, mais exista cependant toujours. La force publique serait devenue dans les mains du prince, un instrument inutile s’il eût vu l’homicide sans le punir ; si, par une dépravation inouïe, il eût lui-même aiguisé les poignards de l’assassin. Personne ne peut nier qu’alors la confédération ne se fût trouvée dissoute et les hommes rendus à l’anarchie. Telle était notre