Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/207

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situation. Le sénat voyait avec plaisir s’entr’égorger des hommes dont il craignait l’union ; le meurtre ne fut plus puni, il fut encouragé, il fut récompensé ; il fallut cependant que chacun veillât à sa sûreté.

Des confédérations de familles, quelquefois de villages, se formèrent. On jura de veiller à l’intérêt de tous et de faire guerre éternelle à celui qui offenserait un des confédérés ; les liens du sang se resserrèrent, on chercha des parents ; l’île fut divisée en autant de puissances qu’il y eut de familles, qui se faisaient la paix ou la guerre selon leur caprice et leur intérêt…

On appela vertu l’audace de s’exposer à tous les dangers pour soutenir ses parents ou les membres de sa confédération ; les citoyens ne furent que des membres d’autant de puissances étrangères, liées entre elles par leurs rapports politiques. Ils respectèrent les femmes et les enfants et les laissèrent sortir de la maison assiégée pour prendre de l’eau et pour vaquer aux affaires du ménage. Il était aussi d’usage de laisser croître sa barbe lorsqu’on était en guerre ; c’était un acte de courage, car il n’y avait point de buisson, de rocher qui ne pût recéler un ennemi ; c’était s’exposer à périr à tous les moments du jour… Celui-là passait pour un homme lâche, un homme vil, qui, à la nouvelle de la mort de son parent, ne courait jurer sur son cadavre de le venger, et, dès ce moment, ne laissait croître sa barbe. La