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Canadiennes d’hier

une salade. Si vous le voulez absolument, il y aura de la soupe ; il en restera pas pour demain, mais c’est égal. Si le p’tit habitant en a pas assez, il ira manger chez eux. »

— Et pour le dessert, Cati ?

— Des confitures, un gâteau et pi, la « fameuse » tire, donc, il faut qu’il y goûte… retournez à votre salon ; tiens ! vous allez savater vot’ robe en rôdant autour du poêle.

Je tournais autour, non pas du poêle, mais d’une question que j’ai fini par poser, tout bas :

— Le trouves-tu beau, Cati ?

Elle a penche la tête.

— Pas trop laid… mais votre papa était plus beau, étant jeune.

J’entendais marcher mes deux hommes à l’étage supérieur ; Papa faisait visiter sa maison à notre visiteur. Il est content d’avoir réussi à la moderniser sans lui enlever son caractère ancien.

À table, dès le potage, le beau Jacques a causé avec entrain. Il a félicité notre jeune ami d’avoir choisi la meilleure part, c’est-à-dire la vie saine et indépendante de la campagne ; d’avoir compris que rien ne vaut mieux pour être heureux que d’être attaché au sol par de fortes racines ; que rien n’ennoblit la vie comme de se sentir le gardien de traditions séculaires qu’il faut transmettre à son tour. Il devenait lyrique, citait Virgile et Victor Hugo et, gaiement solennel, il a terminé son envolée par un conseil amical :

« Jeune homme, méfiez-vous de la politique. Il n’y a pas de danger immédiat, vous êtes encore

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