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Canadiennes d’hier

ment, vous voyez que je suis votre exemple avec enthousiasme. J’ai, moi aussi, un petit coin bien tranquille où je m’installe, comme vous dans votre chambre : porte fermée, cœur ouvert. Seulement, vous êtes jeune, vous marchez sans canne, vous ne pesez pas 190 livres, vous n’êtes pas obligée de vous appuyer aux murs et aux meubles pour faire péniblement quelques pas. Je vous sais gré d’avoir consenti à vous immobiliser toute une soirée pour faire plaisir à une vieille campagnarde que vous connaissez à peine : c’est l’indice d’un charmant caractère. Il eut été si commode et si expéditif de griffonner au verso d’une carte postale illustrée quelques mots d’excuses banales : Regrette infiniment… retard imprévu… panne… bon souvenir… Sylvie Carrière ; et il aurait bien fallu que la veuve Tessier s’en contente. Elle aurait probablement dit en soupirant : C’est la manière moderne, tout marche par l’électricité en ce pauvre siècle du cinéma. Au lieu de cela, vous me faites part de vos impressions, vous avouez un penchant à la mélancolie, vous faites appel à ma sympathie. Elle vous est tout acquise, chère enfant, et votre confiance m’enhardit à vous demander quelque chose. Dites-moi donc de quelle arrière-grand mère ou de quelle parente inconnue de moi tenez-vous ce petit nom charmant et bien français de Sylvie ? Il est rare au Canada… Comment se fait-il que vous paraissiez avoir dix-huit ans quand, d’après mes calculs, vous devriez dépasser trente ans ? Puisque j’ose vous poser ces questions si directes, j’aurai de l’audace jusqu’au

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