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Canadiennes d’hier

à votre air de famille, avant d’entendre votre nom. Comme vous ressemblez à ces chers amis d’autrefois ! Vous avez les beaux cheveux noirs et la taille élancée de votre mère ; mais les yeux lumineux, le petit nez légèrement retroussé, le teint nacré rappellent votre tante Amélie : et le sourire de votre père, le beau Jacques Carrière, qui le rendait si séduisant, mais si dangereux aussi, il faut bien l’avouer, il trône dans toute sa gloire sur votre petite bouche.

Comme vous avez été gentille de venir me voir et combien je déplore ce malencontreux accident qui m’a privée de votre seconde visite ! J’espère de tout mon cœur que vous n’en resterez pas là. Le premier pas est fait vers le pays de votre famille : il est même étonnant que vous n’ayez pas songé à le faire avant cette année : il faut vous repiquer bien vite en pleine terre, petite déracinée. Voyez comme, déjà, vous vous sentez chez vous dans notre cher Saint-Jean. Vous aimez notre modeste église et vous avez trouvé, seule, le sentier tortueux et à pic qui mène au « chemin des amoureux », belle jeunesse ! Notre falaise, vous l’avez découverte, mais elle vous a conquise. Vous ne vous doutiez pas que vous étiez de St-Jean-Port-Joli à ce point, de ce bon « bas-de-Québec » si dédaigné de ceux qui ne sont pas assez bien doués pour en sentir le charme… et puis, vous avez l’accent qui nous distingue, le léger grasseyement qui nous fait paraître plus Français que les Canadiens français des autres régions du pays.

Vous n’avez pas à vous excuser d’écrire longue-

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