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Canadiennes d’hier

petits enfants bien mis et bien tenus par vos soins intelligents. La pouliche assagie, devenue jument, — avec, probablement, un petit poulain trottinant à ses côtés, — attendra à la porte tant que l’on voudra ; gros’maman sera bien contente de voir tout ce petit monde, à condition qu’il se tienne tranquille et ne touche à rien pendant que nous causerons. Vous ne serez assurément pas de ces mères de famille qui n’ont pas l’air de voir les méfaits de leur progéniture. Je prends mes précautions contre votre futur aveuglement maternel. Pardonnez ma franchise et ma prévoyance excessive, mon égoïsme pour tout dire ; je crains toujours pour ma tranquillité.

Je ne vous ai pas dit, en effet, sur quel oreiller votre bien-aimé a reposé sa tête, l’autre soir, après vous avoir quittée. Je n’aurais pas pensé de m’en informer si mon terrible Élie n’était venu mettre son grain de sel, quelques minutes avant le départ de Jean, le jour de la grande explication. Pour abréger, je rapporte le dialogue sans commentaire.

— Tiens ! tu es revenu de Québec !

— Comme vous voyez…

— J’t’ai pas vu à l’arrivée du train, mardi soir, as-tu couché chez le beau-père ?

— Non, j’ai été à l’hôtel.

— Au « Château-Frontenac » je suppose…

— Non pas… je le laisse aux Américains et aux députés de Montréal. J’ai tout bonnement pris l’escalier de la basse ville pour aller à l’hôtel « Blanchard » sur la « place des Victoires ».

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