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Canadiennes d’hier

— As-tu fait ta prière devant la statue de Louis XIV ?

— Mieux que ça, j’ai passé la nuit avec elle. À l’hôtel, on m’avait donné une chambre au premier, sur le devant. Comme je ne voulais pas manquer le train de 8 heures le lendemain matin, ma lumière éteinte, j’ai ouvert les persiennes pour être sûr de me réveiller assez tôt. La place est éclairée comme en plein jour. Je voyais tout à clair, au fond, la petite église Notre-Dame-des-Victoires et, au milieu, le buste de Louis XIV sur son terre-plein. En me mettant au lit, qu’est-ce que j’aperçois sur le mur en avant de mon ombre ? Celle de la perruque ondulée et du nez en bec de corbin du Roi-Soleil. L’honneur de sa compagnie ne m’a pas empêché de dormir et, à mon réveil, le grand roi avait repris sa distance. Accoutumé à me lever de bonne heure, avant cinq heures j’avais les yeux grands comme des piastres françaises ; j’ai décidé de m’habiller tout de suite et de monter les 76 marches de l’escalier pour aller prendre l’air et voir lever le soleil sur la Terrasse. Le spectacle en valait la peine ; toute la côte de Beaupré paraissait saupoudrée de mica et il y avait un arc-en-ciel sur la chute Montmorency…

— Tu te trompes, mon garçon, de la Terrasse on ne peut pas voir la chute. Je gage que tu as vu lever le soleil sur les remparts, en regardant la fenêtre de ta blonde. C’est comme ça aussi, probablement, que tu as vu un arc-en-ciel. Mens pas !

— J’m’en cache pas, j’ai passé par là en revenant… Comme je descendais l’escalier, la messe

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