Page:Bonenfant - Canadiennes d'hier, lettres familières, 1941.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Canadiennes d’hier

plus que ma part dans c’t’affaire-là. T’as eu bien de la chance de m’avoir pour tenir ces comptes, sans parler du reste… »

Son père disait :

« Fâche-toi pas, ’tite femme, je disais ça pour rire. »

Il voulait l’embrasser, a dévirait la tête en disant :

« Recule-toi, tu sens rien que la vieille pipe. Tu vas scandaliser les enfants, tiens ! »

On riait, nous autres… Comme tu sais, elle a toujours le dessus, papa finit toujours par demander pardon. Ils ont raison tous les deux : ça ferait pas de mal à Cajétan d’en savoir un peu plus, mais puisqu’il n’y a pas moyen ! D’un autre côté, c’est bien vrai qu’on sera peut-être bien contents, plus tard, de l’avoir pour nous donner à manger. Pour les autres, c’est pas certain mais pour moi, c’est ma destinée de rester « attachée sur le bien » et d’aider à élever les enfants de Cajétan après les petits derniers de notre mère. C’est tout naturel puisque je suis l’aînée et que je porte, par-dessus le marché, le nom de la chère mémère qui nous a tant dodichés.

Vous seriez bien surprises, hein ? les jeunes, si je me mariais, à la fin, et plus richement que toutes vous autres Ça me fait penser de te dire que l’avocat manqué à M. Auguste, le plus beau chantre de St-Jean-Port-Joli, a une blonde à Québec. Il a été la voir, la semaine dernière, sous prétexte de placer son sucre d’érable qu’il aurait pu vendre aussi avantageusement à un commerçant de la pa-

145