Page:Bonenfant - Canadiennes d'hier, lettres familières, 1941.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Canadiennes d’hier

« Ys ont donc de la chance eux autres de se nourrir du blé qu’ys ont récolté. »

Vous pouvez vous imaginer s’il a été content en arrivant à table d’apercevoir le beau gros pain renflé qui trônait sur la planche. Tout lui riait dans le visage. Il a exclamé :

« Qui est-ce qui m’a fait ce beau plaisir-là ? »

Mlle Louise a répondu, en me faisant un clin d’œil :

« Ça te reste à savoir, mon vieux, mange, on te l’dira après. »

Le souper fini, en faisant son dernier signe de croix, aile a déclaré :

« Après le bon Dieu, c’est Pauline qu’il faut remercier de ce bon pain-là. »

M. Auguste a cogné du poing sur la table en disant :

« Alle est bonne à marier ! »

J’ai demandé : « Jean, lui, qu’est-ce qu’il a dit ? »

— « Rien, y a rien dit, y a mangé avec appétit. Yest jamais ben jasant si vous avez remarqué ; depuis un bout de temps il l’est encore moins ; on dirait qu’il a perdu un pain de sa cuite. Changement de propos. Vous allez dire que je suis bien curieuse, mame Tessier, mais dites-moi donc si c’est vrai que votre demoiselle de Québec viendra pas à St-Jean à c’t-été, on l’a entendu dire à travers les branches ? »

J’ai riposté par une autre question :

— « Est-ce que Pauline ne doit pas se marier bientôt avec un marchand de Montréal ? »

162