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Canadiennes d’hier

Quoi est-ce que vous voulez ? Moi, je suis trop vieille pour me remettre à la huche, c’est bien trop éreintant. Ça le faisait exprès, le blé avait été moissonné dans le beau temps, l’automne passé, jamais la farine n’avait été aussi belle que cette année. On voyait que M. Auguste y pensait en mangeant son pain blanc, y était triste… Ça se comprend, qu’est-ce qu’il y a de meilleur au goût, de plus nourrissant et de plus naturel que le bon pain de ménage !

Mam’zelle Bellanger me dit, lundi matin :

« J’ai envie d’essayer à cuire, pas une grosse fournée, une petite. J’sais pas si je réussirai, j’ai un peu perdu le tour depuis que je fais la classe. Vous connaissez le four mieux que moi, vous, mame Suplien, vous m’aiderez à le chauffer à point, le reste ira bien, j’ai ça dans le bras. Je préparerai le levain avant que les hommes reviennent de leur ouvrage, parce que je veux leur en faire la surprise. Faut pas en parler. »

Mlle Louise était du complot et toute transportée ; elle avait hâte au lendemain comme eune enfant. De temps en temps, alle allait soulever le couvercle de la huche pour voir si la pâte levait comme y faut, si a faisait des yeux, a disait : « J’pourrai pas en manger beaucoup, mais j’aurai toujours l’agrément de l’sentir et de voir les autres en manger.  »

M. Auguste, lui, l’avait senti de loin en ramenant les vaches du champ, le lendemain soir. Croyant que l’odeur venait de chez les voisins, y disait en lui-même, — à ce qu’y nous a raconté : —

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