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Canadiennes d’hier

passant un coup d’œil triomphant ; Jean n’a pas tourné la tête. Je connaissais leurs accords depuis plus d’une semaine et, sachant que nous n’y pouvions rien, j’ai attendu le fait accompli pour vous en informer. J’ai pensé que vous souffririez moins.

Le jour qu’il est allé mettre les bans à l’église avec son futur beau-père, Jean est venu me voir. Je ne m’attendais pas à sa visite et son air grave m’a frappée. J’ai crié :

« Mon Dieu ! venez-vous m’apprendre une mauvaise nouvelle ? Y a-t-il quelqu’un de mort ou de malade chez vous ? votre tante peut-être… »

— Ma tante, elle en regagne tous les jours, elle rajeunit et, de ce temps-ci, elle est au comble du bonheur. Non, madame Tessier, il ne s’agit pas de mort ni de maladie. La nouvelle que je viens vous annoncer, j’ai peine à y croire moi-même, il me semble que je rêve. Ça s’est décidé si vite et j’en avais si peu l’intention : Je me marie !

Je tortillais nerveusement un bout de papier, il a roulé par terre. Jean s’est baissé machinalement pour le ramasser, me l’a tendu et est resté penché en avant, les coudes appuyés aux bras du fauteuil, les mains croisées sur la poitrine, le menton levé, afin que je puisse lire sur ses lèvres.

— Je vais vous raconter comment c’est arrivé, m’a-t-il dit. Vous vous rappelez qu’à la fin de juin, quand Pauline est revenue à St-Jean, je venais d’avoir un grand désappointement. J’avais le cœur malade et ce n’était pas d’elle que j’attendais sa guérison. Elle n’a pas eu l’air tout d’abord de faire attention à moi. Elle allait à la maison

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