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Canadiennes d’hier

gnant les mains : « Qu’est-ce que je vois là ! C’est-y vrai qu’on va faire des noces ! merci, mon Dieu… J’te félicite mon p’tit garçon… toi aussi, ma p’tite fille, t’as été ben fine. »

J’ai bien vu qu’elle était de connivence avec Pauline… comme mon père, d’ailleurs, et toute la famille Bellanger qui s’est trouvée rassemblée chez nous en moins de rien. De tous les intéressés, je suis le seul que « l’événement » a pris par surprise. N’importe, je peux dire que je n’ai pas été obligé de prier pour connaître ma vocation. »

Il essayait de plaisanter, mais je voyais qu’il était ému. Il a ajouté :

« À présent que c’est décidé, je suis bien content. Pauline va faire une bonne femme : c’est sa mère tout recopiée. Elle ne se laisse pas marcher sur les orteils, Mme Bellanger, mais elle sait prendre son ouvrage et elle élève bien ses enfants. »

Je serrais les dents et les lèvres pour ne pas faire de grimaces, mais je ne pouvais plus retenir mes pauvres vieilles larmes ; elles tombaient en cascade sur ma robe. Jean m’a regardée tout étonné, ses lèvres ont tremblé : il comprenait le pourquoi de cette émotion extraordinaire. Presque malgré lui, il a dit :

« Je croyais bien qu’Elle ne s’occupait pas de moi ».

Après un moment, il a repris :

« Savez-vous ce qui m’a empêché de me rendre à Québec, il y a trois semaines, quand j’ai été au pèlerinage de la paroisse, à Ste-Anne de Beaupré ? D’abord, Pauline ne m’a pas quitté de la journée.

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