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Canadiennes d’hier

de Saint-Cloud, établi à l’emplacement du champ de courses de M. Edmond Blanc, en face du mont Valérien.

En entrant en France, on respirait un air d’héroïsme ; le dévouement, l’esprit de sacrifice étaient constants et devenaient contagieux. Je m’étais vouée corps et âme à mon rôle d’infirmière où je me pensais bien à l’abri des surprises sentimentales. Je ne quittais ma baraque que pour les heures de repos indispensable et, au milieu des braves poilus confiés à ma garde, je me sentais immunisée par la compassion et l’admiration même que j’éprouvais pour tous mes malades.

Des héros ! ma chère amie, qui, tous les jours pendant des mois et des années, avaient risqué généreusement leur vie et étaient prêts à recommencer.

Ils se montraient tous gentiment reconnaissants de nos soins et gais, malgré, pour la plupart, la triste certitude de rester infirmes. Dès que leurs souffrances diminuaient, ils plaisantaient, riaient, chantaient comme s’ils revenaient d’une partie de plaisir. Évidemment, il y avait des nuances dans la manifestation de leur fermeté d’âme, suivant l’éducation et le tempérament de chacun. Il s’en trouvait de silencieux qui étaient aussi courageux que les autres et tout aussi sympathiques.

Parmi les plus gravement atteints, il y en avait un que l’on avait amputé d’une jambe et qui se rétablissait difficilement. Je peux bien vous le nommer, il s’appelle André P. et il appartient à une famille de grands industriels parisiens. Nous

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