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Canadiennes d’hier

m’apportait, sans y manquer, des petits fours et des chocolats. J’allais, avec elle, son mari et ses enfants, pour les vacances de Noël, à Québec : celles d été, je les passais avec eux à Valois et papa nous y rejoignait quand venait le mois d’août. C’est ainsi que je suis arrivée à mes 16 ans, heureusement et banalement, sans autres incidents dans ma vie qu’une distribution de prix ou quelque visite de « Monseigneur » qui me valait un grand congé. Ce jour-là, Hélène m’envoyait chercher, dès le matin, s’ingéniait à me faire passer la journée agréablement et, le soir, je rentrais à mon couvent, reconduite par mon beau-frère ou son cocher, en voiture à deux chevaux.

J’aurais été bien ingrate, n’est-ce pas ? si j’avais insisté, le premier brevet obtenu, pour retourner habiter Québec avec papa. Je l’aimais, mais il ne tenait pas la première place dans ma pensée, et je n’aimais pas beaucoup lui écrire « souvent et longuement » comme on me le recommandait à la « leçon de politesse ». Il ne m’y encourageait guère d’ailleurs. Ma sœur lui donnait de mes nouvelles. — il entretenait avec elle une correspondance presque régulière. — il savait qu’elle me lisait, quand elle venait au parloir, les parties de ses lettres qui me concernaient et, pour l’acquit de sa conscience, il m’écrivait quelques mots affectueux à Pâques ou à la Trinité : son effort épistolaire s’arrêtait là. C’est évidemment de lui que je tiens mon aversion pour l’écriture d’obligation. Ma plume est comme les enfants, elle aime courir, mais à sa fantaisie ; par devoir, elle est tout de suite fatiguée.

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